Août 2012
La situation socio-politique ne permet pas d’envisager une mission à Bamako (Mali). TEO2004 nous propose une mission à Yaoundé (Cameroun) que nous acceptons bien volontiers.
L’équipe opérationnelle sera composée du Professeur Philippe MERCIER, neurochirurgien pédiatrique et président de l’Association, de Patricia CORNET infirmière anesthésiste, du Docteur Michel MEUNIER pédiatre, du Docteur Thérèse LE ROLLE anesthésiste réanimateur pédiatrique. Le CHU d’ANGERS est partenaire de cette mission.
L’organisation à distance de cette première mission à Yaoundé s’avère délicate en raison de plusieurs changements récents de responsables administratifs. Nous savons par expérience que la « valise anesthésique » contenant tout le nécessaire pour réaliser les anesthésies dans de bonnes conditions, et le matériel chirurgical que nous emportons seront très utiles ; de même que les doudous, livres, petits jouets… qui feront briller les yeux des enfants opérés. Le Professeur Vincent DJIENTCHEU, neurochirurgien de l’hôpital Central de Yaoundé confirme qu’il nous attend.
Le 24 novembre 2012
au soir, nous foulons le tarmac de Yaoundé Nsimalien. Nous passons notre première nuit au Djeuga Palace en prenant 2 chambres au lieu de 4. Mais cela reste trop cher. Demain, nous déménagerons.
Le 25 novembre
est consacré aux repérages dans cette ville africaine nouvelle pour nous. Notre nouvel hôtel est dans un quartier très animé de la ville, au carrefour Biyem-Assi : cars bondés de voyageurs (c’est un point de ralliement), voitures,motos sur fond de vacarme de klaxons ; vendeurs « de tout » sur le trottoir, petites boutiques, restaurants d’où émanent les odeurs de grillades au feu de bois à déguster au son d’une musique assourdissante… Bref, nous retrouvons l’Afrique avec sa joyeuse furie de vivre. Le Docteur Patty NGASSA, correspondante locale de TEO, nous rend visite ce même soir et nous aide à régler quelques détails pratiques (puce locale pour le téléphone…) mai tellement utiles !
Lundi 26 novembre
7h30, nous hélons un taxi qui nous dépose, après un parcours sportif, à l’hôpital Central de Yaoundé. Nous faisons la connaissance du Professeur Vincent DJIENTCHEU, neurochirurgien chef de service, et du docteur Figuim BELLO, en fin de cursus de neurochirurgie.Travailler en partenariat avec l équipe locale est le principe des missions TEO-ANJOU. V. DJIENTCHEU apprécie ce point de vue exposé par P. MERCIER.
Trois enfants sont proposés pour des interventions. Les indications et les modalités opératoires sont discutées. Les interventions sont fixées au lendemain. Il est important pour cette première journée de rencontrer les équipes soignantes, de visiter les locaux (salles d’interventions, de réveil, de réanimation) ; et d’évaluer le matériel. Ce dernier point est absolument critique. Sur le plan anesthésique : pas de fluides médicaux en dehors de l’oxygène, aspiration aléatoire, aucun respirateur ni cardioscope fonctionnel, une seule cuve à halothane utilisable avec un circuit ouvert manuel… bref, la surveillance per opératoire est uniquement clinique (visuelle et acoustique : stéthoscope pour détecter les ralentissements cardiaques), la ventilation uniquement manuelle… Le même désert technique en salle de réveil et en réanimation. Le matériel chirurgical est tout autant défectueux avec panne des deux microscopes… Les morphiniques sont à priori rares mais nous demandons à en disposer absolument pour les interventions du lendemain. Soulignons les points positifs : la chaleur de l’accueil et la propreté des locaux.
Mardi 27 novembre
A partir de ce jour, chaque matin Figuim BELLO passe nous prendre à 7h15 à l’hôtel. La conduite est incontestablement plus souple et le trajet d’autant plus agréable. Merci Figuim !
Patricia et moi préparons l’anesthésie pour le premier enfant. Hormis la cuve d’halothane que nous avons discutée (disputée…. un peu…) à un autre équipe et l’ampoule de Fentanyl, nous utilisons notre matériel et nos médicaments. Rien de plus utile que notre valise anesthésique à roulettes ! Serge GOUADNA en fin de cursus d’anesthésie participe de même qu’une élève anesthésiste.
Après mise en condition, le premier enfant Carim F., 6 ans 1/2 est opéré conjointement par V. DJIENTCHEU, F. BELLO et P. MERCIER. Carim est porteur d’une volumineuse masse kystique frontale gauche entraînant une déviation de la ligne médiane. Il est réalisé un mini volet permettant la décompression cérébrale par ponction liquidienne et une biopsie diagnostique. L’intervention ne pose pas de problème particulier non plus que le réveil qui est immédiat. Carim est confié en salle de réveil, à la surveillance de Michel équipé pour l’occasion d’un seul saturomètre ! L’enfant regagnera ensuite sa chambre à 4 lits du service de neurochirurgie, situé dans un autre bâtiment car, tout comme le CHU d’Angers, l’hôpital Central de Yaoundé est pavillonnaire.
Corine N., 10 ans 1/2 porteur d’une volumineuse tumeur de la fosse postérieure, responsable d’une hydrocéphalie chronique avec troubles visuels est le deuxième enfant opéré. Il va bénéficier dans un premier temps d’une valve de dérivation ventriculo-péritonéale. Ultérieurement, une biopsie diagnostique pourra être réalisée.L’attente de l’unique brancard, utilisé dans une autre salle d’opération, nous impose de patienter un (bon) moment avant de conduire l’enfant en salle de réveil.
L’après-midi est bien avancé quand nous entrons le troisième enfant au bloc.
Alberil N. 4 mois1/2, hospitalisé depuis plusieurs jours présente une hydrocéphalie majeure avec signes d’engagement secondaire à une tumeur de la fosse postérieure. Faute de voie veineuse, il n’a pas pu être opéré la veille. Le but de l’intervention est de soulager l’hypertension intracrânienne et de faire une biopsie tumorale diagnostique. Traitement médical possible ? La pose de voie veineuse est effectivement difficile chez ce petit enfant multi ponctionné et déshydraté. Vincent, Philippe, Figuim réalisent un premier abord : une dérivation ventriculo sous galéale et par un deuxième abord, une biopsie de la tumeur. 17h, fin de l’intervention, nous souhaitons une surveillance en réanimation mais nous sentons des réticences. La maman, très jeune, n’a aucun moyen financier. L’Association TEO-ANJOU qui récolte dans l’année des fonds pour cela, va prendre en charge le séjour en réanimation d’Albéril : 136 500 FCFA sooit 210 euros, coût forfait de réanimation pour un séjour entre 1 et 10 jours. Albéril est confié au médecin de garde. Nous laissons Albéril sous surveillance de notre scope portatif Philips.
Vincent D. qui doit partir demain fait un debriefing de ce début de semaine. Pour lui, la mission est un encouragement, la coopération nécessaire, car sur place les problèmes pratiques sont énormes. A titre d’exemple Vincent D. nous cite le nouveau bâtiment prévu pour la neurochirurgie, non adapté, fait sans concertation avec le corps médical et abandonné depuis plusieurs années. L’arrivée d’un nouveau directeur lui rend espoir.
Nous rencontrons en fin de soirée le directeur, le docteur Pierre Joseph FOUDA, chirurgien dans ce même hôpital. Il n’occupe ce poste que depuis quelques mois. Nous échangeons sur les difficultés matérielles entraînant un manque de sécurité pour les patients et évoquons ensemble un partenariat de formation biomédicale.
Quelques cacahuètes ingérées dans le bureau de Vincent, un peu d’eau et nous regagnons en taxi notre hôtel. Agnès D., de passage à Yaoundé, en cours de mission pour Action Solidaire, nous attend pour dîner. Douce soirée en échanges d’expériences et de contacts, autour d’un bon poulet à la camerounaise. Retour à l’hôtel, lecture des mails (aléatoire, quelques minutes par jour…). La nuit sera courte…
Mercredi 28 novembre.
Vincent D.nous a quitté pour aller faire passer des examens dans le nord du Cameroun. Philippe devait aider Figuim pour deux interventions d’adultes mais il y a une panne d’eau sur l’hôpital Central. Toutes les interventions sont retardées et celles de neurochirurgie ne pourront finalement pas avoir lieu. Nous faisons les visites post-opératoires. En réanimation, Albéril est douloureux et nous décidons les médecins à administrer de la morphine en titration, ce qui n’est pas ici habituel. Dans la journée, nous repassons voir l’enfant qui est beaucoup plus détendu. Nous poursuivons nos visites en neurochirurgie : Carim est bien conscient, présente un œdème palpébral gauche. Corine se porte bien mais ne semble pas très détendu. Les troubles visuels qui existaient en pré opératoire ne lui facilitent pas la compréhension de ce qui se passe.
Chaque maman est auprès de son enfant, attentive aux explications de Philippe et Figuim. Distribution de livres et doudous. Les visages s’éclairent…
Nous profitions de ce temps libéré pour faire le point sur le matériel. Le docteur OWONO, chef du service d’anesthésie nous montre une pièce où le matériel en panne est stocké : plusieurs respirateurs d’anesthésie et de réanimation, plusieurs pousse-seringues… Philippe et Michel tentent d’identifier les pannes des microscopes neurochirurgicaux. Pur l’un, il semble qu’il s’agisse de pannes bénignes, pour le second, c’est plus compliqué. Le suivi biomédical est de toute évidence un gros problème malgré la qualité du technicien rencontré.
Patricia et moi visitons le service de chirurgie pédiatrique, service référent qui pratique des interventions lourdes ; puis la maternité qui réalise 300 accouchements par mois. Dans la salle commune, plusieurs femmes sont en train d’accoucher. Si une femme le souhaite, elle peut accoucher dans une autre salle, seule (mais cela ne semble pas l’habitude locale). Dans l’après-midi, Patricia fait un cours aux infirmières anesthésistes sur les spécificités de l’anesthésie pédiatrique. Plus tard, entre les membres de TEO-ANJOU, discussion philosophique sur le sens de nos missions…
Le soir, nous dinons à l’hôtel avec Daniel N., ancien instituteur dans le grand nord du Cameroun. Il nous expose les difficultés de l’enseignement : salaire très bas des instituteurs avec peu d’espoir de progression ; aucune couverture sociale sauf pour quelques enseignants fonctionnaires ; très peu de moyen pour les élèves (livres, cahiers, classes…). Même problème pour les infirmières : la femme de Daniel, infirmière, ne peut pas exercer car il n’y a pas de poste et une infirmière ne peut pas s’installer en libéral au Cameroun en dehors d’un cabinet médical ; le travail des enfant est strictement puni par la loi (donc pas de petites aides ménagères comme au Mali), par contre, les mariages forcés dans le grand nord et en pays rural ne sont pas rares. Les gens démunis peuvent marier pour du bétail ou de l’argent leurs filles de 8-9 ans à un homme de 50-60 ans.
Jeudi 29 novembre :
pas d’interventions prévues ce jour en neurochirurgie. Nous faisons la visite des enfants opérés. Albéril est toujours en réanimation, plus calme et toujours perfusé. Sa maman nous offre des photos de son bébé avant le début de la maladie. Carim va bien. Corine présente des hallucinations, sans signes infectieux. On préconise un bilan biologique minimal .Les signes vont s’amender spontanément dans l’après-midi. Nous retournons dans le service de chirurgie pédiatrique et donnons au personnel soignant petits habits, jeux pour les enfants hospitalisés.Puis nous visitons le bâtiment de neurochirurgie à l’abandon… En début d’après-midi, cours aux médecins et résidents, sur l’anesthésie en neurochirurgie par Thérèse. Après quelques achats en ville, nous prenons un pot accompagné de pieds de porc et de manioc… Fous rires… Passage à l’hôtel pour se changer et nous retrouvons Figuim et sa fiancée AÏssa pour un dîner aux poissons grillés (carpes, bar, sole accompagnés de mil). Délicieux! Très belle soirée. Aïssa nous parle du grand nord (Marois) d’où elle est originaire. Figuim est lui même originaire du grand nord. Tous les deux sont très cultivés, distingués et très agréables. Retour en taxi… nuit courte.
Vendredi 30 novembre
Figuim vient comme d’habitude nous prendre à l’hôtel, mais il est en tenue traditionnelle car c’est le jour de la prière. Visites post opératoires. Albéril, en réanimation, n’est toujours pas alimenté. Sa maman n’a pas les moyens d’acheter le lait. Elle attend sa propre mère pour payer. TEO-ANJOU décide de prendre en charge ces dépenses. Il est urgent que le bébé commence à manger car l’épicrânienne commence à diffuser.Les autres enfants vont bien. Philippe fait un cours sur les variantes anatomiques de la circulation cérébrale. Il est intarissable sur le sujet qui passionne ses auditeurs et en redemandent pour le week-end. Malheureusement, nous repartons. C’est le jour du grand nettoyage de l’hôpital. les seaux encombrent les couloirs, les sols brillent, dehors, pas un papier ne traîne. C’est aussi le jour de la visite à Yaoundé du président de la Guinée. Toutes les rues sont bloquées et les embouteillages sont monstrueux. Le soir, nous arrivons très en retard au domicile du directeur qui nous a aimablement invités à dîner. Très agréable soirée en compagnie du directeur, de sa femme, de sa fille et de Figuim. Discussion sur la politique africaine de notre ancien président. Retour fort tard à l’hôtel.
Samedi 1er décembre
Nous refusons une excursion de plusieurs centaines de kms pour ce dernier jour. Quelques achats, visite d’un marché , d’une mosquée en compagnie de Moussa (connu par Agnès D.). Visite du zoo… sans photo svp… zoo très mal tenu mais quand même plusieurs espèces d’oiseaux, des lions faméliques… dommage. Vincent, tout juste de retour du nord vient nous dire au revoir à l’hôtel avant notre départ en navette pour l’aéroport.
Première mission à Yaoundé, premiers contacts… qui seront très utiles pour des missions ultérieures.